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Le souffle de la mort et l'homme inachevé

*Theâcronus/COVID-19

Élie Fleurant

On dit qu’il est un mal invincible.
On prétend qu’il est une force invisible.
Certains avancent même qu’il est un dieu néophyte,
Novice, vindicatif, venant de l’abysse
Pour châtier l’homme de ses vilenies.
Or, l’artiste, homme à fleur de peau,
Le peint à l’image d’une couronne exotique, terrifiante
Avec la tonalité d’un arc-en-ciel.
Jamais l’oxygène de la nuit ne fut si neurasthénique;
Jamais panacée, lune souriante ne roulèrent si loin de notre planète.
Hélas! Le monde est tout couvert de deuil,
Et le glas sonne à nos oreilles.

L’homme est un animal social.
La pandémie nous a pris au dépourvu.
Elle nous écarte l’un de l’autre.
Est-ce un dépouillement involontaire?
Notre ipséité fonctionne en miroir de notre semblable;
Au moment d’une rupture sociale,
L’espèce humaine devient d’autant plus fragile,
Imprégnée par les causalités psychiques et morales.
On devient anxieux, paniqué et timoré.
Le THEÂCRONUS renverse le monde d’un tour de main.
Le confinement est en vigueur.
Le soir venu, on ferme la porte à double tour.
Le souffle invisible glisse dans les fissures,
Au creux des verrous.
Il vient nous accoster au lit, non pas pour faire l’amour,
Sinon pour nous étouffer et nous ensevelir
Au tréfonds de la géhenne.

Or, le fils d’Ausone debout
Au seuil du Dôme de Milan
Exaltant l’« Incroyable pardon »,
Hymne d’agonie et de désespoir
Pour les martyrs de la cité jadis parée d’éclats et de gloires.

Pourtant, la COVIDIENNE MEURTRIÈRE
Ne peut ni voir ni entendre
Le ténor digne d’agrément et d’élégance,
Quand le souffle est invisible.

Quelle dichotomie entre le bien et le mal!
Dieu n’a-t-il pas créé l’homme à l’image de sa propre perfection?
Un credo de la souveraine bonté divine,
Exhortant l’indéniable existence du mal.
Et pourtant face au cataclysme,
L’homme se rapproche plus près de son animalité :
Sa bestialité devient omniprésente.
Ô réaction trompeuse de la libido!
Ô futilité de l’homme inachevé!
La pensée freudienne soutient
Une alliance de pulsion de mort avec l’érotisme.
Le principe de plaisir devient une forme de pulsion agressive.
Somme toute, la faillibilité de l’homme le rend infâme.

Or, l’Enflure à la Maison-Blanche
Dénia l’amplitude de la pandémie.
Il se vante et se gonfle de vanité.
Il regarde son visage dans l’eau miroitée et se voit fils de Céphise.
Il se croit libérateur de la Nation étoilée.
Il se veut une Monarchie.
Ah! Quel Narcisse TROUMPEUR!
Quelle forfanterie! Quelle vantardise!
Il divulgue un tissu de mensonges et de calomnies,
Il entraîne ses vassaux à la crétinerie et à l’ignominie,
Réprouvant l’ordonnance des sciences et des règles salutaires.
Ils gagnent les rues, brandissant les bannières syndicalistes,
Maudissant la science, la pathologie,
Tandis qu’ils se rallient à la Doctrine d’Épicure.
Du reste, ils font la queue pour s’armer de pétoires.
Sapristi! Ne savent-ils pas qu’on ne tue pas
La douce violence avec la rude violence.
Ignorent-ils que THEÂCRONUS, le souffle de la mort
Se métamorphose en force invisible?

Ma parole, la raison n’y est plus!
Elle aussi est morte, et comme les nôtres, ensevelie!
Le Sage Cartésien devrait bouger d’horreur et de furie
Au Cénacle des Martyrs.

Le monde est fichu, je vous dis!
L’homme inachevé est irrésolu, je vous jure!
Du reste, au comble de tant d’inepties,
Des milliers d’âmes sont parties vers les cieux
Sans même dire adieu.

Élie Fleurant, Poète-philosophe
Lauréat, Prix-UNICEF-EUROPOÉSIE, Paris 2015
Heathrow, Floride avril 2020

* * *

P.S. * THEÂCRONUS est un mot tiré du lexique grec et créé par Élie Fleurant. THEA/grec signifie « souffle » – CRONUS/grec signifie «la mort ou dieu destructeur».

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 Viré monté