Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Monchoachi
(André Pierre-Louis)

Monchoachi est né en 1946 au Saint-Esprit, vit aujourd'hui à la montagne Vauclin (Martinique).

 

 

 

 

 


Photo Laurent Vielet

Monchoachi

Film sur Monchoachi mardi 6 avril 2021 à 20H30 sur Martinique première,

en replay, à partir de mercredi : https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/11608183

«Monchoachi ouvre des chemins à tous ceux qui savent se mettre à l’écoute du monde,
une œuvre qui veut se dresser contre toutes les entreprises de mort.
» G.H Léotin

Sur potomitan

Autour des grands mystères recitation pour M. Monchoachi par Patrick Chamoiseau

Celui qui se réfugia dans la montagne

Œuvres

des corps des voix Nuit gagée L'espére-geste LaKouZémi
des corps et des voix
1998
Nuit gagée
2000
L'espére-geste
2002
Le monde tel qu'il est
Retour à la parole sauvage Lémisté Lémistè 2
Le monde tel qu'il est Retour à la parole sauvage Lémistè
2012
Lémistè 2
2016
Lémistè 2 Retour à la parole sauvage    
Lémistè 3
2021
Retour à la parole sauvage
2023
   

Poésie en langue créole

  • Disidans  (Djok, 1976)
  • Konpè Lawouzé (Grifantè, 1978)
  •  Bèl Bèl Zobel (Grifantè, 1979)

Poésie bilingue créole / français

  • Mantèg (Gallimard, Cahier de Poésie, 1980)
  • Nostrom (Editions caribéennes, 1982)

Poésie en langue française

  • Nuit gagée (l'Harmattan , 1992)
  • La case où se tient la lune (William Blake & CO. Edit, 2002)
  • L’espère-geste ( Obsidiane, 2002),
  • Paris – Caraïbe, le voyage des sens (en collaboration avec le photographe David Damoison). Editions Séguier, 2002

Traduction en créole

  • Samuel Beckett :  «La ka espéré Godot» - Editions New Legend, 2003
  • Samuel Beckett : «Jé a bout»- Editions New Legend, 2003

Essai

Anthologies où figurent des poèmes de Monchoachi

Lylian kesteloot: «Anthologie négro-africaine»
Hamidou, Dia: «Poètes d’Afrique et des Antilles», éd La Table Ronde, 2002
Jorge Najar: «Anthologia de poesia contemporànea de expresion francesa, una montana de voces» Paraguay, 2001

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PRIX CARBET 2003 pour l’ensemble de son œuvre

PRIX MAX JACOB 2003 pour l’Espère-Geste

Le prix Max Jacob a été créé après la guerre par des amis du poète: Cocteau, Picasso, Aragon, Supervielle…Ce prix de poésie a déjà récompensé: Salah Stétié, Jude Stéphan, Emmanuel Moses, Jacques Réda, Pierre Jean-Rémy, Georges Perros…

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SUR MONCHOACHI…

Claude Roy,
Cahier de Poésie,Gallimard, 1980
«Le poème qui nous nous parvient était  étrange, obscur et beau (…). Le poème? La surprise inouïe (ou si rarement entendue ici) que contenait l’enveloppe, c’est qu’elle ne contenait pas un poème mais deux-et cependant un seul. Le texte de Monchoachi nous parvient comme une de ces agates que la fine et patiente scie d’un artisant a séparée en deux sans pourtant la défaire : la dédoublant sans la dénouer, image minérale de l’androgyne originel, pierre unique et double, dont chaque moitié reproduit et prolonge le dessin et le dessein, réfléchit les nervures et les moirures. Miroir parfait qui se parle à lui même en silence.»

Rosalia Cortes R.,
Revue Uno, Université de Bogota, 1992.

«Profondément enracinée dans la culture antillaise, la poésie de Monchoachi, née de profondes réflexions, est pleine d’histoire, de tradition, d’échos africains et de réalités américaines, de douleurs et d’espérance. En son chant se réunissent, les plus belles sonorités du conte traditionnel et l’expression du plus pur lyrisme.»

leotin Raphaël Confiant,
Préface de «Monchoachi»,
G.H. Léotin, L’Harmattan, 1994

«Monchoachi inaugure la première génération poétique de l’après Césaire (…) et il réussi cet exploit en partie grâce à l’utilisation du créole qui est absent de la problématique césairienne (…). L’auteur de Nostrom et de Manteg est un grand poète, un très grand poète, non seulement créolophone mais aussi plus largement créole dans la mesure où la poésie en français dans laquelle il s’est récemment lancé, respire par tous ses pores les essences de notre culture, en exemplifie la quintessence…»

G. H. Léotin,
 Monchoachi
 L’Harmattan 1994

«Monchoachi ouvre des chemins à tous ceux qui savent se mettre à l’écoute du monde (…) une œuvre qui veut se dresser contre toutes les entreprises de mort.»

Yves Bergeret,
Poésie 94

«…dans cette île (la Martinique), particulièrement créatrice et spontanément porté à une parole circulaire, mobile et plurielle dans ses hésitations entre oral et écrit, entre Europe, Afrique, et Amérique, Monchoachi est un résistant de la parole : il la situe et la pratique dans un état d’écart, dans la langue française celui de la hauteur que pratiqua St-John Perse, dans le créole celui que pratique l’extraordinaire conteur oral des veillées funèbres de la campagne martiniquaise. Monchoachi est aussi lecteur de Célan ; travaillant au corps la parole l’étirant, la creusant, la fouillant, la malmenant, il l’écoute avec une intensité rare et écoute, à travers elle qui se débat, notre attente et notre solitude dans le réel.»

Manuel Norvat,
Ecrits timides sur Monchoachi,
Antilla, 1995

«Nuit gagée ne peut que malmener les grilles de lecture et d’écoute de l’officialité. D’abord parce qu’il se situe entr’oral et écrit dans le mêlé sans retenue des langues : ensuite parce qu’il amasse un non-dit (gestes, rires, etc.) compagnon de la parole(…). Le poème, haut lieu de sacrifice des mots n’aurait rien à envier au langage ordinaire à ces moments où ceux-ci s’émancipent jusqu’à prendre les bords de mer pour de grands chemins, à ces moments là, ils deviennent littéralement extraordinaires, fondant ainsi le poème (…); Il sourd chez Monchoachi que le langage est souverain. Or, l’auteur de Nuit gagée n’est point encore bouche pour nos oreilles: poète, il l’est, par cela même qu’il écoute.»

François Boddaert.
Approcher Monchoachi,
Le Monde, 2 mars 1999

«Monchoachi (…) est un poète remarquable et rare ( …. ). Il s’agit bien de cela que les poètes s’honorent d’oser : déchirer sans relâche la croûte étouffant jour après jour le langage assujetti à la commodité du simple échange (…). La parole du poète est donc voie commune (…) profération de l’homme communautaire contre la tentation contemporaine du retournement de la poésie vers l’ abîme espéré de son ombilic…»

Kenneth White,
Juillet 2000

«…ton texte, comme toujours, est beau et intéressant. Je préfère, et de loin, la manière que tu as de sonder le créole , à celle de tant d’autres qui s’en servent comme simple support d’un réalisme social pittoresque…»

Jorge Najar,
Antologia de poesia contemporanea de expresion francesa,
Unesco 2001

«Sa poésie possède une force singulière, tressée de tournures idiomatiques propres à la langue locale. Il se dégage ainsi son intime lien  avec l’essence du lieu qu’il habite. En son chant résonne les réalités quotidiennes de l’île, misères et cicatrices de l’histoire, chaleurs, insectes, sonorités de la nuit ; en cette turbulence de la réalité, sa poésie acquiert rythme et souffle propres.»

Patrick Kéchichian,
L’ESPERE-GESTE de Monchoachi
«Le monde», 24 janvier 2003

Traducteur de Beckett en créole, Monchoachi, né en 1949 en Martinique, écrit à la fois dans cette langue et en français. Poète rare et d’une rare excellence, il manifeste, dans sa poésie, un sens lyrique du souffle et du rythme qui laisse une impression profonde. Longtemps après la lecture du poème, l’écho reste présent. L’invocation et l’incantation y tiennent une place majeure; l’image refuse les facilités de l’exotisme pour se faire universelle; un arrière-monde, un héritage, celui, peut-être, des esclaves avec leurs «voix de derrière le temps»…Mais, sans attendre, la poésie se soustrait aux contingences. «En une seule syllabe au-dessus des nombres/Le monde au plus profond de son trou noir/Assure sa pertinence.» A la fin du volume, l’éditeur a inséré un texte en prose, «Des paroles-qui-disent», issu d’une communication faite à Nîmes. C’est une superbe réflexion sur la langue et sur la poésie, enrichies par l’apport de l’autre idiome, ici le créole. «Le mérite de la poésie, écrit Monchoachi, est de dire non à ce langage édulcoré, délesté de sa charge émotive(…), ce langage littéralement «lessivé» à quoi la parole se réduit trop souvent de nos jours.» Monchoachi recevra en Mars le prix Max-Jacob (éd. Obsidiane «Les Solitudes», 116 p., 15 €).

Marie-Claire Bancquart,
MONCHOACHI: L’ESPERE-GESTE  (Obsidiane)
Revue Europe, 2003

Voilà le recueil très personnel d’un poète martiniquais, expert en langue créole, comme l’indique le texte final du livre, «Des paroles-qui-disent»: entendez les paroles imagées et les proverbes, chargés de la sagesse essentielle d’une culture, et souvent empreints d’une gravité initiatique. Le monde y apparaît comme un grand tout insécable, du soleil aux végétaux en passant par bêtes et hommes. Ils disent l’obscurité des paroles et du monde, le temps à la fois autre et même, le tremblement nécessaire dans le savoir. Une conception aussi totalisante ne pouvait coïncider avec la vision chrétienne occidentale du monde, celle du P. David, qui traduisit ces proverbes d’une manière que critique Monchoachi d’une façon très intéressante. Evidemment, elle est plus opposée encore au « totalitarisme technique». Monchoachi est passionné par la spiritualité du vaudou. C’est dire que sa langue n’est pas seulement pour lui une marque d’appartenance ethnique, mais une inspiration.

C ’est dans cette lumière qu’il faut lire l’Espère-Geste, suite de poèmes en français et beau français. On y trouve très peu de mots dialectaux, et encore sont-ils appelés par la nécessité de nommer ce qui n’existe pas en France métropolitaine (cayes, siguine) ; peu de fois, des expressions ou proverbes créoles, d’ailleurs souvent traduits. Non, leur spécificité va plus profond. Ils disent l’instant, l’émiettement des existences, cependant liées par une vie universelle que le poète a charge de célébrer. D’entrée, des paysages à la fois familiers et somptueux: «Des lépidoptères annelés / Noirs, jaunes / Et puis les deux bouts orangés / Ondulent dans la lumière; / Des files de femmes bâtées / Aux vêtements bariolés // Et le plat crayeux de leurs pieds / Qui se soulèvent / et qui foulent la poussière stérile.»

Sèves, souches, «nuage blanc» de bananes sur la tête d’une femme, omniprésence de la mer, couleurs, soufre ou violet ou gris-bleu, donnent à ce recueil, un poids concret du reste inséparable de l’initiation, car il convient d’y observer tous objets et de les comprendre obscurs, « Obscurs, Obscurs, Obscurs/Comme sont les galets / Comme sont les lauriers».

A l’initiation ancestrale, l’histoire a mêlé, mais superficiellement, le christianisme, présent dans le début par des allusions, l’Apocalypse, l’arche de Noé, les prénoms chrétiens imposés, et surtout par son incompréhension que les «Lumières» ont accentuée ; car Humanisme, Démocratie, se sont opposés également aux traditions vitales de l’île: «Et pour finir, le guerrier banni, le danseur / métamorphosé en pécheur / Au point de ne plus pouvoir laisser ça / nous prendre».

Oui, çà est le tissu du poème, ce rituel, cette danse qui lie les vivants aux morts, à la terre entière, et les fait accéder ensuite au grand désert, au Vide de toutes choses. Ce poème est pour mieux dire une danse, diversement mais toujours fortement rythmée et parlée, de la clameur à l’extase. «Et puis l’air / Et puis l’air frappant l’air / Et puis le silence / Et puis la maturation / Et puis l’écume / Et puis la quête / Et puis les ailes et la rosée / Et puis l’écaille et le jaspe / Et puis l’argile /Et puis l’invocation.» Vertige: «Nous ne sommes /Pas/Nous Là/Lieu parole». Noms secrets donnés aux choses, et chuchotés à elles. Puis «la danse au lieu vide». regards perdus: passage à «l’autre bord», et accession, depuis les mots «bégayés-perdus», au langage d’origine, à «l’aleph».

Le recueil se termine par un très beau poème où l’amour charnel et spirituel se mêle au sentiment de la fragmentation du monde et de la disparition inéluctable de tout. Mais le désert, dans l’initiation, a encore sa façon d’unir: «Tu peux venir là à présent / Vêtue de ta robe rouge / Chaussée des escarpins festonnés d’or: Si tu tombes dans le vide / Je garde tes mains /Entre mes mains.»

Loin des exotismes faciles, ouvrant sur une culture et un culte aussi riches et envoûtants que ceux de telle civilisation antique à mystères, que voilà un livre digne d’être lu, ou plutôt dit à voix haute, accompagné de tout le corps!

Charles DOBZYNSKI,
L’Espère-geste (obsidiane)
Monchachi: La poésie française reconquise.
mensuel aujourd’hui poeme n°38

 La poésie des Antilles – en particulier celle de la Martinique – échappe à nos normes formelles et mentales. Même sous le masque des expressions qui dépaysent, on ne saurait y voir un exotisme. C’est d’abord une part inaliénable de l’identité que depuis longtemps elle a contribué à forger, pliant la langue française à ce qui lui est propre en matière de vision, de lexique et de rythme. Voici une nouvelle preuve de ce qui est plus qu’un métissage, une double parenté, une manière de naissance siamoise du proche et du lointain. La langue française y a gagné des inflexions inouïes et de l’ampleur dont témoignent notamment Saint-John Perse, Aimé Césaire et Edouard Glissant. Cette preuve est un poète, Monchoachi, Martiniquais d’origine, qui n’est pas un débutant, mais qui surgit aujourd’hui sur la scène poétique française après avoir pratiqué principalement l’idiome créole. Inutile de dire que ce choix est délibéré et n’a aucun besoin de justification. Monchoachi a publié de ses œuvres des éditions bilingues. Cette fois il aborde le français de plain-pied, de plein fouet. Et dire qu’il l’aborde, c’est dire qu’il se l’approprie totalement, comme un vaisseau ou comme une île à l’abandon. Et d’un seul coup, ce domaine envahi, il le défriche, le fructifie, le comble de couleurs et de saveurs rares. La langue française, il lui donne un coup de jeune avec L’Espère Geste, qui semble marier à l’espérance le bruit et la fureur d’une chanson de geste. Monchoachi n’émigre pas, ni ne s’exile, dans la langue de la métropole. Il y transfère ce qui fait sa personnalité, l’originalité de son langage, sa manière de voir, de sentir et de pressentir. C’est simultanément une conquête et une fusion. Baignée dans cette eau de jouvence, la poésie y gagne en transparence. Mais elle ne se contente pas de revêtir l’uniforme parfois fripé de la francophonie. Elle se remodèle en s’habillant de neuf, de frais, de vrai… Elle défait son bagage, et l’on s’aperçoit qu’il y a dans ce nécessaire de voyage les pépites de l’universalité. Voilà ce que le poète en dit lui-même  (citation extraite d’une passionnante communication à un colloque, que l’on trouvera in extenso dans le volume et qui traite du verbe créole et de sa création de proverbes): «… la poésie après les grands poèmes fondateurs, ne peut tendre qu’à une restitution : rétablir l’homme dans l’écoute de la parole qui sourd dans son corps, le rétablir dans la relation au monde sur le mode de la gravité. J’ai dit: «ne peut  tendre qu’à », non dans l’intention de marquer l’impuissance d’un signe de lassitude; tout simplement, dans « ce qui a eu lieu » il ne reste plus que le lieu. Le verbe s’est fait chair.» L’analyse linguistique et philologique à laquelle procède l’auteur éclaire le fonctionnement d’une langue par rapport aux anciennes traditions. Sa poésie, elle, est un lieu d’illumination, de haut lyrisme, de ferveur. L’éclat de sa sensualité, la force germinale de son souffle, nous assurent en effet que « le verbe se fait chair ». Tel Pygmalion, Monchoachi lui donne la liberté du corps, du mouvement et de la pensée dans l’exultation de la vie. Son foisonnement doit peu au surréalisme, mais sans doute quelque chose au rituel vaudou.

«Le diable a pris le monde / et l’illumine / Nous avons atteint au bonheur: juste une équation». Dans son jaillissement – qui n’exclut en rien la rigueur – le langage exalte le savoir de vivre et le savoir d’aimer: «Mais de l’amour / Plus que de tout autre chose / Nous voulons être assurés / Autant, si cela se peut, que de l’existence / Et de la vérité». La leçon de Césaire a sans  doute été reçue, assimilée, et finalement plus dépassée que revendiquée. Ce qui s’instaure dans ce magnifique poème, c’est la proximité des êtres, la traversée des ténèbres, en même temps que cet emportement physique dont sont doués les mots – parfois mêlés d’expressions créoles – une réflexion métaphysique tantôt sous-jacente, tantôt émergente, où prend signification la démarche elle-même : une libération:

Derrière le nom qui nous nomme
Et que nous renions
Nous tournons dans les airs
Derrière le corps que nous portons
Et rêvons d’échapper
Pièce côté
Flamme qui danse
Dans ton envers et que
Les yeux fermés, tu meurs

Là même, d’étreindre.

Jean-Pascal DUBOST,
Monchoachi
Le corps, le lieu, l’écart
Gare Maritime 2003
Revue de poésie contemporaine

Debout, dressé, vertical, ce pêle-mêle de réalités d’en-bas, présentes, d’ici, et de sensations d’en haut, du passé, d’ailleurs, le corps est un vaste contenant; que Monchoachi détermine non pas comme une simple habitation mais comme la prime et primordiale impulsion d’une parole, parce que par le corps passe ce que j’appellerais «l’ éprouvement» de la Terre, l’inouïe, la longue et la « lourde pulsation de la Terre»; or une Terre qui a tremblé. Cette parole est portée-projetée par la partie du corps au si bel usage sylleptique, la langue; cet organe charnu, musculeux, allongé et mobile qui porte sa fonction, qui surgit d’une cavité, qui charroie esclavage et désir de liberté, module des sons, qui chez Monchachi miment la topographie natale (on bondit d’un son consonne à un autre comme d’île en île et de morne en morne), font entendre la langue maternelle et la sagesse populaire antillaise (proverbes et dictons), «montrent» une géographie, un lieu symbolique, la langue; dont la jubilation roborative (c’est-à-dire qui attrait et ressource le lecteur) fait lieu commun (c’est-à-dire de rencontre) : le rythme de Monchoachi est-il «numéreux» (Du Bellay), c’est-à-dire nombreux; cadence et foule. Parler poème, c’est être à la recherche de ce lieu commun, vaste et fertile, hospitalier et abondant, sans nostalgie toutefois, mais avec son souvenir, de celui qu’évoque la parole fondatrice inscrite sur la pierre. Une langue; voilà nom appellatif qu’on devrait, pour qualifier celle de Monchoachi, faire suivre d’un trait d’union suspensif et interrogatif, une langue-, tant il en appelle à ce signe, qui souligne son souci d’une attente et d’une demande d’unir, qui souligne l’écart dans lequel il est travaillé et dans lequel il écoute-échote et depuis quoi doit s’élever son chant-parler, « la parole ensemble-avec». Le corps est le lieu de tous les écarts. Aussi le poème apparaît ce trait d’union, ce  «mot de passe» que recherche le poète, qui le fonde, le gouverne, l’espère et le maudit, le met en errance ; tenté, prononcé, mais incomplet-imparfait-impossible. Enfin , et j’emprunte l’idée à Vernon Sproxton, préfacier du romain de Fynn, Anna et Mister God, je qualifierais bien Monchoachi de «poète-ha!»; c’est assavoir que sa langue-poème est langue très étonnante, dé-gagée pour engager sur une voie rassemblante, langue qui fait avancer chacun sur une tracée (jadis, petite sente élaborée à l’insu des colons par les esclaves et les créoles à côté des routes coloniales), une tracée non seulement dans notre Français Régulier, mais aussi, laissant passer l’écho d’une langue «écho-monde» (Edouard Glissant), dans la tradition d’une poésie française de l’individualisation. «Poète-ha!» parce que tout vers de Monchoachi semble interjectif : sorte de cri «jeté entre» (étymologiquement), énergie intellectuelle et tension émotionnelle, qui dilate l’esprit, génère de galvanisantes pensées; poète-ha!» qui donne «l’impression que l’on ouvre un nouveau compte, et non pas que l’on procède à la clôture de l’ancien.» Vernon Sproxton.

Jacques Goulet
Regard créole
Le Matricule des Anges, magazine indépendant de littérature

Avec l' Espère-geste, le poète martiniquais Monchoachi évoque son île, scrute son identité culturelle et exalte la vie. Dans la lignée d'Aimé Césaire.

La tradition littéraire de la Martinique, bien  singulière, est superbe, que l'on songe à Césaire ou à Placoly, à Glissant.... La «métropole» a hélas! tendance parfois à ignorer  cette vitalité culturelle, si l'on excepte le succès de Chamoiseau et de Confiant. Parmi les auteurs de la génération née après guerre, Monchoachi s'affirme avec une belle voix. Singulière et forte.

Il y a chez lui une exaltation de la vitalité dont chacun doit saisir en soi l'énergie et dont  il doit prendre conscience.

De la vie première, pourrait-on dire. Il écrit: «Ni sablier, ni clepsydre/Rien ici qui sert à mesurer le temps Seulement lever la face vers le ciel/ Scruter le soleil jusqu'au vertige/ Le boire par les yeux/ Jusqu'à la vision de l'obscur...»

L'expérience du monde, c'est avant tout notre regard. C'est à lui que nous devons toujours revenir. Voir le monde. Alors, soudain, à propos de celui qui a beaucoup vu, l'auteur note: «Seul un vieillard./ Le regard troublant comme la cendre.»

Vie de tous les humains décrite dans son essence, simple évocation d'un individu dans l'instant parfois, les niveaux d'expérience s'entremêlent dans ces suites de poèmes qui n'ont jamais de «sujets» aisément repérable. Entre l'invariant de toutes nos vies et le factuel de chacune d'elles, la confrontation est perpétuelle: «Je t'embrassais,/ Il y avait de la terre qui remontait/ Par ta bouche/Sans arrêt tu dégorgeais de la terre ./Je t'embrassais toujours/ Et tes seins qui frondaient l'air/ Sous le corsage de taffetas rose/ Ajouré.

L'Amour se révèle bien sûr une part primordiale de cette vie que chacun doit à chaque réexaminer.
Monchoachi poursuit: «longtemps nous avons espéré ce poudroiement/ Matinal/ Là où nous portions nos yeux, Une allumette qui craque/ Et craque/ Et qui s'élève/ Ardente/ Derrière la scène».
Recherche d'un sens, besoin d'une certaine profondeur. Le poète plaide pour un perpétuel renouvellement  de l'expérience humaine. En chacun de nous et, si possible, dans la langue de chacun de nous, loin de la répétition des mots qui, par des ordonnancements prévisibles, accélère leur usure.

Le recueil est suivi du texte d'une conférence, «Des paroles-qui-disent», prononcée lors d'un colloque à Nîmes à l'invitation de Kenneth White. Monchoachi aborde la question de la vérité de la langue et de ses pièges. Si son discours est en français, les exemples qu'il nous donne sont quelquefois formulés en créole. Monchoachi affirme avec vigueur sa préférence pour la langue poétique et laisse apparaître une certaine défiance à l'encontre du discours formaté, son propos est néanmoins porté par une belle langue discursive. Et, s'il plaide pour un langage neuf, il use d'une langue qui s'est créée dans des interstices de liberté de l'histoire et dont il apprécie particulièrement les proverbes, lesquels semblent par excellence procéder d'une parole figée...

Il n'empêche, loin de toute passivité spectaculaire. Monchoachi recommande une nouvelle lecture du monde, à laquelle la poésie aurait pour mission première d'inciter chacun.

Monchoachi

Le poète et essayiste Monchoachi répond aux 5 Questions pour Île en île. Entretien réalisé au Vauclin le 22 octobre 2011 par Thomas C. Spear. Caméra : Janis Wilkins.

Sur Monchoachi:

 

Viré monté