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Analyse du texte musical titré
«y a danger» de Jean Jean Roosevelt.

Ak Marvens Jeanty

Plan

  1. Introduction
     
  2. Présentation du texte
    - Présentation de l’auteur
    - Pertinence du titre
    - Structure de la chanson
     
  3. Analyse linguistique
    - Organisation morphosyntaxique, lexical, etc.
    - Figures de style
     
  4. Analyse énonciative et pragmatique (sociolinguistique)
    - Registre de langue
    - Les indices de subjectivité
    - Cas de polyphonie
    - Idées développées dans chaque strophe
    - Intention du locuteur
     
  5. Conclusion

1. Introduction

Les langues naturelles humaines font don de toute une multitude de canaux facilitant la transmission du discours allant d’un locuteur à un autre. Parmi ces canaux, nous avons la littérature, la peinture, la danse, la musique, etc. La musique, qui,  à une certaine mesure se fusionne à l’art, sa création exige donc une certaine rigueur. De ce fait, l’artiste cache souvent ses intentions derrière un ensemble de tournures phrastiques et de figures de style. Et, pour une bonne appréhension de certaines d’entre elles, il faut une analyse discursive pertinente. L’analyse du discours étant  l’une des disciplines des études de discours: rhétorique, sociolinguistique, psychologie discursive, analyse des conversations. Chacune de ces disciplines est gouvernée par un intérêt spécifique. Et, l’intérêt de l’analyse du discours est d’appréhender le discours comme articulation de textes et de lieux sociaux. Son objet n’est ni l’organisation textuelle ni la situation de communication, mais ce qui les noue à travers un certain dispositif d’énonciation  (Maingueneau, 1995). En ce qui concerne ce présent travail, son objectif principal est d’analyser le texte du chanteur haïtien Jean Jean Roosevelt dont le titre est «y’a danger». En termes de démarches, nous allons tout d’abords procéder à la  présentation de l’auteur et le texte, ensuite porter une analyse d’ordre linguistique sur le texte, tout en présentant les différentes  figures de style qui s’y trouvent. Enfin, sera portée sur le texte entier  une analyse sociolinguistique.

2. Présentation du texte

Grandes puissances
G7, G8, pays du nord
Moi je viens vers vous avec des paroles du sud
Une mélodie de misère, une guitare importée
Je viens vous parler, sans vouloir vous offenser
On me dit que ça va de crises en crises
Et que la nature fait son petit show-biz
Ça va mal, oui ça va mal
Ça va mal, mais c’est normal
Si vous forcez de l’herbe à pousser dans vos déserts
Et vous gaspillez beaucoup d’eau pour ça
Tandis qu’en Somalie on veut juste boire il n’y en a pas
Si vous avez des bombes et des armes nucléaires
Et vous dépensez énormément d’argent pour ça
Tandis qu’en Haïti on veut manger il n’y en a pas
Ça ce n’est pas normal
Refrain                             
Mauvaise répartition, Mauvaise distribution
Mauvaise exploitation, Mauvaise utilisation (bis)

II
Super puissances
Pays du nord
Moi je viens vers vous avec une réflexion du sud
Et je suis fils d’esclaves venus d’Afrique
Mon père a sans doute travaillé
Pour vous aider à progresser
On me dit que ça devient inquiétant
On parle de réchauffement, de volcans, de tremblements
Ça va mal, oui ça va mal
Ça va mal, mais c’est normal
Si vous fouillez le sous-sol
A la recherche du pétrole
Que vous utilisez pour crever la couche d’ozone
Ainsi de bas en haut, vous faites de la démago
Vous vous vantez d’avoir exploré d’autres planètes
Sous prétexte de résoudre les problèmes de l’univers
Tandis que la faim et des épidémies tuent des gens sur terre
Ça ce n’est pas normal

[III]
Y a danger ! Y a danger ! Y a danger
Moi je vous dis qu’il y a danger
Y a danger ! La planète s’est réchauffée
Y a danger ! La terre s’est mise à trembler
Y a danger ! Moi je vous dis qu’y a danger
Y a danger ! Nos rivières sont desséchées
Y a danger! Et les volcans se déchaînent

Y a danger ! Y a danger ! Y a danger !

Présentation de l’auteur

Chanteur, auteur, compositeur, guitariste et percussionniste.

Originaire de la Grand-Anse, Sud-Ouest d’Haïti, Jean Jean Roosevelt est un artiste né. Il est le benjamin d’une famille de six enfants. Son père est guitariste. Sa maman défunte était une passionnée de la musique et du théâtre. La petite histoire raconte qu’il est né un 30 septembre pendant que sa maman dirigeait une chorale. A l’université, il se spécialise en histoire de l’art.
Sa musique se nourrit d’influences multi-ethniques, marquée par un brassage culturel existant sur l’île depuis la traite négrière. C’est une alliance de rythmes créoles: Nago, Ibo, Yanvalou, Djouba, Kongo, Rabòday, etc. et d’influences reggae, RnB, afro beat.

Jean Jean Roosevelt est socialement très engagé. Son riche répertoire aborde des sujets universels tels que l’amour, l’équité de genre, le civisme, la solidarité, la persévérance, la préservation de l’environnement. Les textes de ses chansons sont majoritairement en français, parfois également en créole. On trouve, dans certaines de ses chansons, quelques bribes de langues africaines et d’anglais.

Il a à son actif trois albums: Recommence (2007), Pinga (2009), Y a Danger (2012). Il a aussi publié en 2013 «Mes Lavironndede» un recueil compilant les textes de ses chansons.

Jean Jean Roosevelt a remporté en Haïti de nombreux concours de chansons organisées par des institutions locales dont Radio Grand’Anse (1990), Tropical airways (1998), Solèy Sounds System (2005, 2006).  En 2013, il a gagné la médaille d’or dans la catégorie chanson aux Jeux de la Francophonie déroulés à Nice en France et a été couronné prix TV5 monde.
Sa musique a été applaudie dans plusieurs coins du monde.
Survivant du récent tremblement de terre qui a frappé son pays Haïti en janvier 2010, Jean Jean Roosevelt continue sa carrière, guitare au dos avec comme principal leitmotiv : contribuer à la reconstruction de sa chère Haïti et à l’émergence d’un monde plus juste et équitable.

Pertinence du titre

C’est toujours très risquer d’oser titrer une chanson, voire un album musical. Car par cet acte, on peut sans se rendre compte obstruer la route à la musique; ne pas donner libre accès aux mots de s’exprimer. Jean Jean Roosevelt, faisant preuve d’un professionnel, a su surmonter toutes ses barrières, et donne des titres qui collent sur ses opus comme les yeux à la tête.  A travers «y’a danger» il a montré à ses auditeurs le lien étroit existant entre chaque mots, la réalité que l’on vit au quotidien, et le titre donné. «Y’a danger» n’est pas seulement un album, mais un cri du cœur, apportant les maux des citoyens du monde aux creux des oreilles de ceux qui en sont la cause.

Structure de la chanson

Le titre de la chanson est «Y’a danger», apparue en 2013. La chanson est écrite en vers libre et composée de trois strophes, y compris le refrain. La première strophe contient dix-neuf (19) vers, la seconde 18, la troisième et dernière huit (8). En total, le texte contient donc quarante-cinq (45) vers. On repère trois paragraphes auxquelles sont accolées trois idées directrices, en raison d’une par paragraphe. Elles permettent de faire ressortir l’essence même du texte, en montrant à nu le thème et la thèse soutenue. A travers le texte, l’auteur essaie de démontrer les maux qui rongent le monde, les riens qui nous désunissent,  tout en nous invitant  à la réconciliation. Et  pour s’assurer que son public appréhende bien ses messages, il fait usage d’un raisonnement déductif. 

3. Analyse linguistique

Organisation morphosyntaxique
Morphosyntaxe flexionnelle :

Cette analyse va surtout axer sur le verbe être utilisé dans le texte subissant  plusieurs variations de personnes. C’est ce qu’on peut appeler flexions verbales.

Considérons les phrases suivantes:

  • «C’est normal ou cela est normal»: Le verbe être a ici la valeur d’un pronom démonstratif.
     
  • «Et je suis fils d’esclaves venus d’Afrique»: «Je suis» c’est la première personne du singulier du verbe être, il implique alors un changement de sens comparé à son emploi plus haut.
     
  • «Y a danger! Nos rivières sont desséchées»: le verbe être est à la 3ème personne du pluriel, il aide à conjuguer au temps passé, le verbe se dessécher à la forme pronominale.

Donc, à travers le texte, pour un seul et même verbe être on a: est, je suis et sont. Par la, l’auteur fait montre d’une capacité synthétique et esthétique à la fois. C’est comme laisser au mot sa liberté de s’exprimer en tenant compte de toutes ses valeurs référentielles.

Cas de changement catégoriel.

Considérons les phrases suivantes:

«Paroles du sud» et «je viens vous parler»

Parler: verbe intransitif →Parole: nom féminin, il y a ici un changement de catégorie. C’est une variation de catégorie grammaticale. Cela implique que l’artiste sait bien situer ses propos dans un champ sémantique spécifique, assurant automatiquement une plus nette compréhension.

Les formes de négation

Je viens vous parler sans vouloir vous offenser
Il n’y en a pas
Ça c’est pas normal

Dans ces trois exemples, on est en face de la négation, mais elle est exprimée de manière différente pour ne pas tenir une monotonie lassante. Là encore, l’auteur fait montre d’une créativité assez intéressante.

Le temps des verbes

Dans le premier paragraphe, le temps des verbes est au présent; l’auteur veut montrer par la que ses plaintes sont toujours actuelles et qu’on doit les prendre en considérations.

Dans la 2e strophe, l’auteur utilise un verbe au temps passé juste pour faire un rappel de l’esclavage, mais il y a 11 verbes au temps présent qui dominent tout le couplet.

Champs lexicaux de certains vocables jugés importants dans le texte.

Terre: Désert, eau, volcan, sous-sol, rivière, pétrole
A partir de ces termes, l’auteur veut dégager l’idée d’une mauvaise exploitation que les grandes puissances ont fait des ressources de la terre et les conséquences qui en découlent.

Paroles: offenser, discours, dits, réflexion, parler
A travers ces mots, l’auteur dénonce la situation misérable des pays du sud.
Pays : Somalie, Haïti, Afrique, Sud, Nord
L’auteur spécifie quelle région de la planète, les pays du sud, la plus touchée en conséquence d’une mauvaise répartition par les grandes puissances. Il souligne en particulier la Somalie et Haïti comme étant les plus victimes.
Univers : Planète, couche d’ozone, terre
Ici l’auteur veut faire comprendre que la mauvaise exploitation de la terre expose la planète terre à de grand danger.

ANALYSE SEMANTIQUE:

Dénotation /connotation

Mélodie :

Sens dénoté: chant
Sens connoté: paroles

Herbe :

Sens dénoté: Plante dont la tige molle et verte meurt chaque année.
Sens connoté: nourriture

CHAMP SEMANTIQUE:

  • Terre, désert, sous- sol
  • Grandes puissances, G7, G8, Super puissances, pays du nord
  • Paroles, réflexions, mélodie, parler, dit, vanter

Les figures de style employées dans le texte

a) Les figures de styles relevées dans le premier couplet.

  1. Considérons l’énoncé «Moi je viens vers vous avec des paroles du sud»
    Ce bout de phrase « des paroles du sud » peut désigner des paroles d’une communauté, ainsi paroles du Sud et paroles d’une communauté sont fondus en un seul et même groupe de terme. Donc, il y a lieu de parler d’une métaphore.
     
  2. Considérons la phrase: «Si vous forcez de l’herbe à pousser dans vos déserts» Ici, herbe peut désigner de la nourriture. Ces deux termes herbe et nourriture sont fondus en un seul terme.
    Donc, la phrase évoque une figure métaphorique.

b) Les figures de styles relevées dans le deuxième couplet.

  1. L’auteur aborde le deuxième couplet en substituant le syntagme adjectivale: grandes puissances par un autre syntagme adjectivale  super puissances. On est donc face un parallélisme.
     
  2. «Ça va mal, oui ça va mal» ces expressions se situent au cœur du deuxième couplet. Le mot mal étant répété à la fin des phrases, on peut dire qu’il s’agit  d’une épiphore.
     
  3. Dans le refrain du deuxième couplet, il y a la suite de syntagme «y a danger, y a danger, y a danger».L’auteur insiste ici sur l’imminent danger qu’encourt la planète terre à cause d’une mauvaise exploitation. C’est donc une anaphore.

4. Analyse énonciative et pragmatique (sociolinguistique)

  • Registre de langue: Le registre de langue utilisé est courant.
     
  • Les indices de subjectivité: L’auteur, pour se montrer concerné par le sentiment qui traverse le texte fait l’usage du pronom personnel sujet «je» et «moi». Ce qui fait qu’il y a lieu de parler de subjectivité, d’ailleurs on peut facilement retrouver la trace de l’auteur à travers ses opinions et sa vision du monde partagée.
     
  • Cas de polyphonie: L’auteur chante avant tout pour lui-même, néanmoins cela n’empêche pas à la chanson de plaire à en mourir  à toute une population. A travers «y’a danger», on peut juste dire que l’artiste parle avant tout pour le monde, le miroir auquel il aura à se regarder après.
     
  • Idées développées dans chaque strophe: dans la première strophe, l’auteur se contente de nous présenter la source de ses mots, tout en rappelant que rien ne va, et qu’au contraire les choses commencent à exagérer.  
    D’où la valeur de ces couplets:
     «Moi, je viens vers vous avec des parole du Sud»…
    et «ça va mal, oui ça va mal».
    Dans la deuxième strophe, l’auteur nous plonge au cœur des maux du monde, en nous aidant à comprendre ce qui pourrait en être leur cause. Il en profite pour nous inviter  à nous unir pour vaincre ces fléaux.
     
  • Intention du locuteur: L’intention de l’auteur peut être multiple, cependant il est clair de constater comme le nez au visage qu’à travers ce texte, l’auteur nous invite à prendre conscience des différents phénomènes qui sont en entrain de détruire le monde, là sous nos yeux. 

5. Conclusion

A travers ce travers, il nous a été donné de mener une analyse à la fois linguistique et sociolinguistique sur le texte de Jean Jean Roosevelt, dont le titre est «Y’a danger». Comme on l’a dit plus tôt, ce texte est un cri de cœur. Une description parfaite de l’état du monde actuel. On a toujours eu du mal à croire que quelqu’un arriverait à présenter les maux qui rongent l’univers, rien qu’à travers une chanson, cependant Jean Jean a fait usage de son expertise et son professionnalisme pour le prouver. C’est un génie !! Sachant qu’un travail de recherche n’atteindra jamais sa fin,  tant qu’il y aura toujours des choses à dire à propos, nous tenons à préciser  que celui-là est très limité et laisse donc de vide à combler, surtout on a pas pu toucher  pas mal aspect dans notre analyse, «l’aspect philosophique et écologique du texte» par exemple. Donc, d’autres chercheurs sont invités à en dire davantage.

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 Viré monté