Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

L'art, notre carte de visite

André Fouad

Publié le 2018-04-02 | Le Nouvelliste

Deux esprit et un aigle (2012) par Levoy Exil. Source Naderhaitianart

Je regarde le temps filé au bout de mes doigts. Le vent du printemps a l'odeur des cercueils, des fleurs fanées, en ce mois de mars dominé par la course vertigineuse du convid-19 à l'échelle planétaire. Coincé entre les quatre murs dans mon appartement à Lauderdale Lakes dans le comté de Broward en Floride. Je revois mon pays dans mes songes. Je pense à ma ville, à ses trottoirs, je pense à mes confrères, mes frères-artistes tissant au fil des jours des mots d'espoir, d’amour.

Je me plonge dans les bras de la nostalgie, en écoutant la version Haïti Chérie de l'orchestre Issah El Saieh avec la voix inimitable du pianiste saxophoniste Guy Durosier. Une question soudainement m'habite d'où vient cette force créatrice de mes compatriotes qui ont su défier en 1804 l'armée du général Napoléon Bonaparte et qui ont allumé le flambeau de la liberté de l’égalité et de la fraternité pour les peuples noirs.

Haïti est la République de l'imaginaire pour reprendre une expression si chère au journaliste Alain Brunet et qui œuvre pour le journal Le Devoir à Montréal. Même en temps de crise aigüe, de «peyi lock», nos artistes créent pleinement et étonnent plus d’un.

De temps à autre, de nouvelles étoiles apparaissent, illuminent le ciel d'Haïti, malgré les fortes secousses socio-politiques et économiques. Aujourd’hui, il y a lieu de mentionner, l’émergence de nouveaux poètes, conteurs, nouvellistes, romanciers tels que Claude Bernard Sérant, Inéma Jeudi, Medhi Charlers, Roniro Jn Baptiste, Adlyne Bonhomme, TiKris, Selmy Accilien, Handgood Abraham, Fedia Stanislas, John Wesly Delva, David Mezy, Jeanie Bogart, Fred Lafortune, Coutechève Lavoie Aupont, Bonel Auguste, Angie Marc, Isaac Volcy, Jacques Adler Jean-Pierre...

L'évènement littéraire Livres en folie qui boucle cette année ses vingt-six ans reste une référence incontournable avec la présence de nombreux écrivains de renom qui font honneur aux lettres haïtiennes à l'étranger. Citons: Lyonel Trouillot, Edwidge Danticat, Dany Laferriere, Kettly Mars, Louis Philippe Dalembert, James Noel, Makenzy Orcel... De nouvelles éditions ont vu le jour Freda, de la Rosée, Legba, Legs édition, Maison d’édition Toussaint, Floraison et s'organisent avec le peu de moyens dont elles disposent pour donner sens, vie au paysage littéraire de chez nous.

Sur le plan musical, les chanteurs et chanteuses fourmillent Tamara Suffren, Coralie Herard, Paul Beaubrun, Lakou Mizik, Mandela, Dener Ceide, Belo,Tafa MI-soleil, Rebecca Jean, Lakou Mizik, Akoustik, Wooly Saint-Louis.Jean, Erol Josué. Notre théâtre bouge. Nos acteurs et actrices font de leur mieux pour donner de quoi voir, de quoi apprécier. En ce sens, les efforts extraordinaires, les énormes sacrifices consentis de la comédienne Gaëlle Bien-Aimée et de l'instigateur du festival quatre chemins Guy Régis Jr sont très appréciables.

Dans le monde des arts plastiques, il n'y a pas à s’inquiéter. La peinture haïtienne est toujours en demande à l'étranger notamment sur le continent européen et asiatique. En écoutant l'interview de l'artiste André Eugène alias Guyodo après que le feu ait détruit son atelier à la Grand rue, je me suis posé la question: d'où vient cette capacité de création de nos frères. Chef de file des artistes dits résistance de la Grand rue, il réalise des œuvres d'art que ce soit des tableaux, des sculptures avec des produits usages, des ustensiles, de vieux pneus. Quel talent! Quel talent!

Le mouvement Saint-Soleil initié par le peintre Jean Claude Garoute dit Tiga salué par l'écrivain ministre de la culture André Malraux dans son livre Intemporel a fait école à travers ses illustres disciples dont Levoy EXIL, Louisiane St-Fleurant. Au cours du mois de février de cette année, le peintre Levoy Exil a pris part au festival «Empreinte Vodou» déroulé au Benin.

On aurait tout dit à propos de la vitalité, de l’audace, de l'intelligence de nos braves artistes qui arrivent à créer à partir d'un rien, sans coaching, sans mesure d'accompagnement. À quand une vraie politique et culturelle de la part de l'État pour les 20 ans à venir. 

L’art est notre richesse. Un pactole en terme de potentiel de richesse pour des siècles et des siècles. Prenons soin de notre culture, c’est le carburant de la machine du développement de l’homme haïtien à construire pour aujourd’hui et demain.

Viré monté