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Fouad, pour combler sa solitude
aux États-Unis

Propos recueillis par Claude Bernard Sérant

Publié le 2020-03-31 | Le Nouvelliste

Photo Francesca Palli

Le confinement, la solitude est source de poésie pour André Fouad. Dans le silence des jours et des nuits sous le ciel de Floride, l’auteur de «Bri lan nwit» aiguise sa lyre. Récemment, dans les colonnes de Le Nouvelliste, le poète a révélé à travers un papier – «Dans l'intimité de l'écriture au temps du covid-19» – qu’il écrit pour tromper la mort ou encore pour dompter pleinement les fausses rumeurs du vent en ce temps où l'on se confine entre quatre murs dans le silence de la page qui défile des lignes au gré de l'inspiration». Fouad s’ouvre à notre quotidien.

Le Nouvelliste: Comment le poète André Fouad vit-il à l'ère du coronavirus?

André Fouad: À l'ère du Covid -19, je lis beaucoup. J’écoute de la musique. Il m'arrive de me plonger dans des méditations intenses sur l'avenir du monde face aux rumeurs de guerre, des folles rumeurs du vent. Le temps se fait de plus en plus terne, voire de plus en plus déshumanisant.

Quels livres lisez-vous maintenant? 

Présentement, je suis en train de lire «Qu'est-ce que la littérature?» de l'écrivain Charles du Bois, une anthologie consacrée au grand poète grec Rítsos qui a su allier avec brio esthétique et engagement dans la lignée du poète haïtien Georges Castera  ou du poète russe Vladimir Maïakovski. Je redécouvre le roman culte traduit dans plusieurs langues «Gouverneurs de la rosée» de Jacques Roumain. Un roman universel. Un roman qui transcende les barrières linguistiques. Un roman capital. Un hymne à la solidarité, au vivre-ensemble dont le monde a tant besoin par les temps qui courent.

Vous vivez au son de quelles musiques?

Je suis un accro de la musique, la musique du monde. Celle du Mali à travers la voix de la chanteuse-guitariste Fatoumata Diawara; du Bénin, je suis un fan de l'icône de la musique africaine Angélique Kidjo, récipiendaire du Grammy Awards 2020 pour son album «Célia Cruz» en hommage à cette grande dame de la musique cubaine. On l'a surnommée la Reine de la salsa. J'écoute un peu de samba, de la bossa nova et pourquoi pas? du reggae, du blues et surtout des chants traditionnels haïtiens qui charrient tant de messages à connotations diverses. 

Quel regard portez-vous sur la ville où vous avez pris ancrage aux États-Unis?

Franchement, j’ai découvert le côté je dirais très matérialiste, très snob d'une frange de la population américaine. Certaines personnes ne se soucient guère de l'autre, de son voisin, de sa voisine. Parfois, je me sens isolé, je me sens seul. C’est le culte du moi. On oublie qu'on est né du même créateur et qu'on doit se donner la main malgré nos différences ethniques. C'est dommage que ce ne soit pas le cas ici en ce temps de Covid -19. Comme le traduit si bien notre langue maternelle, TOUT KOUKOUY KLERE POU JE L. Arrivé à ce stade-là, je pense à mon pays Haïti chéri… 

Cultiver la sagesse, la solidarité...

Quel regard portez-vous sur vous-même?

En fait, j’apprends à cultiver la sagesse, la solidarité, à méditer sur moi-même, mon passé, mon présent et mon futur. À méditer sur moi-même pour pouvoir rester en symbiose avec Dieu, les forces cosmiques qui nous entourent et qui nous parlent constamment.

Est-ce que le Covid -19 a changé quelque chose en vous?

Certainement, il m’a permis de constater que tout est fragile, tout est incertain ici-bas. En l'espace d'un cillement, le monde peut être anéanti, détruit par un simple virus ou du moins par l'utilisation des armes nucléaires, des substances chimiques. Cela me fait penser à l’ex-président français Valéry Giscard d’Estaing qui déclarait que le monde marche de plus en plus vers la catastrophe.

Est-ce que vous rencontrez des gens dans un espace réel pour vos activités culturelles?

Depuis l'arrivée de ce virus, la vie culturelle est quasiment inexistante. Tous les spectacles qui figuraient dans mon agenda ont été annulés pour le mois de mars. Je rencontre peu de gens. On est au cœur du confinement. Que faire? J'écris pour donner un vrai sens à la vie, qui malgré tout mérite d'être vécue, pour parodier le poète chilien Pablo Neruda dans son livre culte: «Chant général».

Vous sentez-vous de plus en plus solitaire?

Il n’y a pas de doute, la vie d'aujourd'hui rime avec solitude, ennui, angoisse, anxiété, interrogations, Dieu seul sait.

Que faites-vous pour combler votre solitude?

Heureusement, la lecture et la musique m’accompagnent en ce temps de grande solitude. J’écris avec un rythme accéléré pour dompter ce réel lugubre et surtout pour tisser de nouveaux chants aux couleurs de l'arc-en-ciel.

*

 Viré monté