Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

La race noire et la langue française

Fabian Charles

Qui pense à nous? Cela ne date pas d’hier, Dany Laferrière, dans une intervention à TV5 disait que la francophonie est bénéfique à son pays et aux autres pays en dehors de la France parce qu’elle permet un brassage littéraire entre les écrivains qu’ils viennent de Bamako ou de Port-au-Prince. Mais, il nous dit que si cela nous donne des avantages sur le plan littéraire, cela ne va pas dans notre avantage sur le plan économique. Voici ce qu’il en dit: «On croit parler littérature, mais on parle économie.»

C’est ainsi qu’elle permet à plusieurs écrivains en dehors de la France d’échanger ensemble, mais ce n’est pas dans l’avantage de leur pays au niveau économique. Dans le commerce des livres, les deux institutions les plus lucratives sont les éditions et les librairies. Quand on parle de la francophonie en littérature, les éditions qui font le plus d’argent sont les éditions françaises et les librairies qui vendent le plus sont les librairies françaises. C’est ainsi que si la francophonie gratifie certains écrivains sur le plan personnel, elle n’est pas forcément dans l’avantage collectif de leurs pays.

La raison en est que les institutions de ces pays ne rentrent pas les profits qui viennent de la vente des livres. C’est ainsi que ce n’est pas que dans la race que l’homme noir venant du pays «francophone» est écorché mais aussi dans sa culture. Une certaine culture a tendance à inférioriser l’homme noir, sa langue, sa tradition, ses institutions … etc. Cela nous vient d’une tradition coloniale qui implique qu’il y aurait des hommes plus humains que d’autres, des langues plus humaines que d’autres, des cultures plus importantes que d’autres. On exploite aujourd’hui le créole  de belle façon par la poésie, il ne reste qu’à l’exploiter en philosophie.

Certains intellectuels ont pour complexe que la langue créole n’est pas adapté pour philosopher. Ils prennent la langue de l’autre pour philosopher, pendant que leur propre langue serait inadaptée pour la réflexion. Leur langue devient un frein pour la réflexion pendant que ceux qui détiennent la puissance économique en Europe et en Amérique du Nord font de la littérature uniquement dans leur langue maternelle. Ils sont plus à l’aise dans leur langue parce qu’ils y baignent depuis qu’ils sont à quatre pattes, alors que nos intellectuels travaillent dans une langue dans laquelle ils ont moins de compétences. Cela donne aux intellectuels blancs énormément d’avantages puisqu’ils ont plus de compétences dans leur propre langue dans laquelle ils réfléchissent et écrivent dès leur naissance, une langue dont ils sont maîtres.

Nous entrons ainsi dans un rapport qui nous dévalorise. Et pourtant, toute langue permet de philosopher: «Le bon sens est la chose la mieux partagée au monde» dit René Descartes. Malheureusement, certains écrivains créolophones comme Gilbert Gratiant qui a écrit des fables en créole martiniquais ont une position défaitiste, voici ce qu’il en dit: «Mais il demeure que le champ du créole est limité. Un traité de physique, de mathématiques ou de philosophie en créole serait à la fois impossible et parfaitement inutile, et il s’agit au surplus, pour leur rédaction, d’une tentative parfois ridicule1»  dans la préface de «Fab Compè Zicaque». Le livre de mon compère Gratiant ne permet au créole d’exprimer que les sentiments et le limite au niveau philosophique. La conséquence est une littérature doudouiste qui peint les créolophones comme des êtres sentimentaux incapables de penser.

Fabian Charles

Note

  1. Fables créoles et autres écrits, Gilbert Gratiant, Paris, Stock, 1996, P. 50.

boule

 Viré monté