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Hommage à Charles Baudelaire, 1867-2017

Emmanuel Richon

Le 31 août 2017 nous célèbrerons le cent-cinquantenaire de la mort du célèbre poète français, Charles Baudelaire (1820-1867) qui, rappelons-le, vint à Maurice et à La Réunion (alors Bourbon) en septembre 1841. Dans le cadre de cette commémoration, se tiendront un certain nombre de manifestations liées à l’œuvre de l’écrivain.

Une exposition, des publications, une conférence à l’IFM, un film, ainsi qu’un concert et un récital. Pour ce dernier, Henri Favory, acteur et homme de théâtre, se propose de monter un spectacle scénique relatif à l’œuvre du poète français. Il s’agit d’un récital de poèmes de Baudelaire entrecoupés de plages musicales et devant durer environ 60 mn.

Il est prévu que le récital se tiendra deux samedis d’affilée dans deux places différentes et en plein air: Port-Louis, devant le Blue Penny Museum au Caudan et Rose-Hill, IFM. Le spectacle comprendra deux acteurs et un musicien.

L’exposition portera sur les poèmes relatifs au séjour du poète aux îles Mascareignes en 1841. Pour ce faire seront exposés de nombreux tableaux d’époque, aquarelles, peintures à l’huile, etc. agrémentés des poèmes de Baudelaire concernant son escale à Maurice.

Le 1er septembre 1841, le navire français Paquebot des Mers du Sud, commandé par le capitaine Saliz et ayant à son bord Charles Baudelaire, jette l’ancre en rade de Port-Louis. Ses avaries étaient nombreuses, le bateau était presque en perdition. Un de ses mâts était même brisé. Parti de Bordeaux le 9 juin précédent, la goélette avait essuyé une terrible tempête au large du Cap de Bonne Espérance. «Un événement de mer, comme je n’en ai jamais éprouvé dans ma longue vie de marin» déclarera le capitaine Saliz. Le bateau fut malmené pendant cinq jours et cinq nuits.

Un passager débarqua à Maurice parmi d’autres, Charles Baudelaire, qui devait continuer sa route vers l’Inde et qui mit pied à terre, en attendant que le navire fût apte à reprendre la mer. Une escale imprévue donc, car seul Port-Louis pouvait offrir l’infrastructure nécessaire aux réparations. Le jeune-homme venait d’avoir vingt ans et se trouvait à Maurice contre son gré: le général Aupick, son beau-père (sa mère s’étant remariée à la suite de la mort de son père François Baudelaire), ne plaisantait pas sur la discipline et n’entendait rien à la littérature de son temps. Le Général imaginait déjà Charles diplomate et les velléités poétiques du jeune-homme lui parurent pure folie; leur relation périclita au point que le beau-père dut songer à quelque punition. «Les voyages forment la jeunesse».

Par ailleurs, par provocation comme par goût, le poète fréquentait les cafés de la rive gauche et des femmes de petite vertu. La mère de Charles décida d’éviter le scandale en prenant à temps la décision d’éloigner son fils. On réunit un conseil de famille afin d’autoriser un emprunt de cinq mille francs, destiné à couvrir les frais de voyage.

C’est le 9 juin 1841 que le Paquebot des Mers du Sud leva l’ancre. A bord, l’isolement du poète se fit presque complet. La Musique ou L’Albatros nous permettent, parmi de très nombreux poèmes consacrés à la mer, de nous représenter la longue traversée maritime.

Le poème Déjà (Petits Poèmes en prose), donne une idée de l’état d’esprit du poète à l’arrivée à Maurice après trois mois de mer sans escale:

« …C’était une terre magnifique, éblouissante. Il semblait que les musiques de la vie s’en détachaient en un vague murmure, et que de ses côtes, riches en verdures de toutes sortes, s’exhalait, jusqu’à plusieurs lieues, une délicieuse odeur de fleurs et de fruits. »

C’est un total de 64 jours que le poète a passé aux îles soeurs. Les contemplations, les souvenirs mémorisés dans l’une et l’autre des Mascareignes étaient en fait de même nature, se renforçaient, tant et si bien qu’il est difficile aujourd’hui, de pouvoir déterminer la part qui revient à Maurice et celle que peut revendiquer Bourbon.

La vision de l’Eden l’a poursuivi tout au long de sa vie pourtant pleine de souffrance physique et morale. C’est son voyage qui évoque le havre de paix mystérieux et féérique des amours enfantines de Moesta et errabunda ou les poèmes en prose Les projets aussi bien qu’Un hémisphère dans une chevelure.

Si nous ajoutons qu’à son retour, la rencontre de Jeanne Duval constitue un prolongement du voyage, nous nous rendons compte que les escales mascarines ont constitué un apport considérable, un chamboulement émotionnel et un bouleversement des sensations qui a joué un rôle majeur sur l’ensemble de l’écriture et l’esthétique baudelairiennes, ce que ne comprit pas la critique littéraire, puisque régie par un sérail parisien étroit et volontiers raciste, qui n’accorda aucun intérêt particulier à l’influence mascarine ou à Jeanne Duval, les méprisant l’une et l’autre au même titre. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que ces deux aspects de l’oeuvre de l’auteur des Fleurs du Mal commencent vraiment d’être réhabilités. Ainsi, Charles Baudelaire apparaît comme un précurseur dans son apologie de la beauté de la femme noire ainsi que dans le relativisme qu’il sut porter quant à la soi-disant supériorité de la société dont il était lui-même issu.

Exposition gratuite, du 11 août au 14 octobre 2017, tous les jours sauf dimanches et jours fériés, de 10h à 16h30 | bluepennymuseum.mu | info@bluepennymuseum.mu | 210 9204 | 210 8176

Charles Baudelaire aux Mascareignes

Viré monté