Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Alfred Marie-Jeanne,
une traversée verticale du siècle

Louis Boutrin & Raphaël Confiant

 

Le 7 mars 2015 en librairie, «Alfred MARIE-JEANNE, une traversée verticale du siècle» de Louis Boutrin et Raphaël Confiant, le premier ouvrage de la nouvelle collection des Editions Caraïbéditions «Figures politiques d’Outre-Mer». Cette publication est le premier ouvrage sur Alfred Marie-Jeanne et le parti qu’il a fondé, le MIM.

 

 

Alfred Marie-Jeanne, une traversée verticale du siècle, Louis Boutrin& Raphaël Confiant • Caraïbéditions • 472 pages• ISBN 9782917623886 • 2015 • 19,80€.

Alfred Marie-Jeanne, une traversée verticale du siècle

La biographie politique ne fait pas partie de la tradition littéraire martiniquaise. Qu’est-ce qui vous a poussé à rédiger un tel ouvrage?

L. Boutrin/R. Confiant: En effet, l’autobiographie politique est beaucoup plus courante chez nous puisque des hommes politiques aussi divers que Victor Sablé, Roger Lise, Pierre Samot ou Garcin Malsa s’y sont prêtés. Simplement, il y a un monde entre l’autobiographie et la biographie politiques dans la mesure où cette dernière permet une plus grande prise de distance, une plus grande objectivité par rapport à l’objet d’étude. Nous ne sommes pas membres du MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) et notre ouvrage n’est absolument pas une hagiographie du leader de ce parti. Nous n’avons pas cherché à encenser ce dernier, mais à comprendre à la fois sa personnalité et sa trajectoire qui sont toutes les deux hors normes. Tout le monde, y compris, ses adversaires, reconnaissent qu’Alfred Marie-Jeanne, familièrement désigné par le peuple sous le nom de «Chaben», a un charisme extraordinaire. D’autres qualités lui sont reconnues: rigueur, fermeté, honnêteté. Il était intéressant d’aller voir tout cela de plus près.

Et votre quête a donné quoi?

Permettez-nous d’insister sur le fait que notre ouvrage est ensuite une biographie politique, pas une biographie. Ce qui veut dire qu’on n’y trouva pas d’informations personnelles sur Marie-Jeanne (où il réside, avec qui il est marié, combien d’enfants il a etc…), sauf les très rares cas où lesdites informations interfèrent avec la carrière politique de celui-ci. Notre objectif a été d’essayer de comprendre comment on part d’une commune rurale enclavée du sud de la Martinique – ce qu’était Rivière-Pilote dans les années 1970 –, pour devenir maire, puis conseiller général, puis conseiller régional, puis président du Conseil régional, puis député du Sud et enfin député du Centre-Atlantique. En trois décennies, Alfred. Marie-Jeanne aura presque tout gagné, sauf la mairie de Fort-de-France. Il s’est même récemment permis le luxe de changer de circonscription législative et de gagner quand même. Ce n’est quand même pas banal!

Un tel succès est dû à quoi selon vous?

Marie-Jeanne n’est pas un OVNI politique. Il a correspondu et correspond encore, n’en déplaise à certains, à une attende profonde de toute une fraction du peuple martiniquais. Ce peuple qui en a assez des politiciens à cravate et beau français, qui changent de camp politique au gré du vent, qui pratiquent le trio népotisme-clientélisme-macoutisme à tout va ou qui se livrent à des pratiques que la justice devrait condamner. Le peuple a reconnu en «Chaben» un homme de conviction, de rectitude et de dignité. Cela ne signifie pas qu’il abonde dans son sens, celui de l’indépendance, mais lorsqu’un électeur qui vote pour «son» maire autonomiste ou de droite aux municipales, met systématiquement un bulletin pour l’indépendantiste Marie-Jeanne aux législatives ou aux régionales, cela ne peut pas ne pas avoir un sens.

Ne serait-ce pas du populisme chez Marie-Jeanne?

Si parler dans la langue du peuple, en l’occurrence le créole, c’est faire du populisme, si conduire soi-même sa voiture au lieu d’avoir un chauffeur, c’est du populisme, si ne pas posséder une grosse villa avec piscine, c’est du populisme, si payer en temps et en heure les petites et moyennes entreprises quand on est à la tête d’une mairie ou d’une collectivité, c’est du populisme, eh bien, oui, Marie-Jeanne peut être considéré comme un populiste! Mais ce genre de populisme-là n’a jamais fait de mal à personne. En fait, nous avons longuement étudié les principaux discours prononcés par lui durant trente ans à l’Assemblée nationale de façon à mettre en lumière ses différents combats pour la Martinique et force est de reconnaître qu’ils ont été nombreux. Pas un domaine (évolution institutionnelle, économie, agriculture, pêche, université, transports, santé publique, relations avec la Caraïbes etc…) dans lequel «Chaben» ne s’est investi corps et âme et cela avec une constance surprenante. Vous comprendrez qu’on ne peut pas résumer un livre de 400 pages en quelques phrases. S’agissant de la face critiquable du personnage, on peut énoncer: un certain autoritarisme, une forme de rigidité psychologique ou encore un manque d’ouverture sur certains domaines (rastafarisme, homosexualité etc.). Vous voyez que notre livre n’est pas la Bible du MIM!

Avez-vous en projet d’autres biographies politiques?

Oui, et c’est bien pour cela que nous avons proposé à CARAIBEDITIONS de créer une nouvelle collection intitulée: «Figures politiques d’Outremer». Notre livre sur Marie-Jeanne en est le tout premier. En effet, il y a nombre d’hommes et de femmes politiques de chez nous dont la trajectoire mériterait d’être étudiée: Emile Maurice (droite), Sévère Cerland (communiste), Casimir Branglidor (socialiste), Claude Lise (autonomiste) ou encore en Guadeloupe, Lucette Michaux-Chevry (droite). Nous ne comptons pas les écrire toutes et c’est pourquoi nous lançons un appel à nos politologues. Il s’agit de constituer une mémoire écrite de notre histoire politique à travers des personnages hors normes, ce qui n’est pas la seule manière d’étudier ladite histoire bien évidemment.

boule

 Viré monté